Les élections législatives en République tchèque (république parlementaire, pouvoirs du président très faibles) se sont terminées hier, et avec elles, une situation quelque peu comparable à celle de l'Allemagne l'année dernière. L'ODS (plateforme démocratique civique), parti libéral dirigé par Mirek Topolanek (photo) et fondé par l'actuel président, eurosceptique, Vaclav Klaus a remporté les élections sur le fil, avec 35,38% des voix devant le Parti Social-démocrate (CSSD) qui a reçu 32,32% des suffrages. Les trois autres partis qui siègeront au parlement sont, dans l'ordre, le parti Communiste, non réformé depuis 1989, qui a recueilli 12% des suffrages, le chrétiens-démocrates, de toutes les alliances gouvernementales jusqu'à présent, et les Verts, qui, avec 6% des voix entrent pour la première fois au parlement.
Dans cette situation la marge de manoeuvre est courte pour former une coalition gouvernementale, et les dissensions entre les deux plus grands partis semblent trop fortes pour envisager une grande coalition à l'allemande.
En effet, le CSSD au pouvoir depuis bientôt 9 ans récolte 74 sièges sur 200, et l'ODS de 81. Les Communistes en auront 26, les Verts 6 et les chrétiens-démocrates 13. Ce qui signifie qu'aucune coalition bipartite, hors grande coalition ne pourrait former une majorité claire d'au moins 101 sièges. Il est aussi à noter que le parti des Verts pourrait ne pas résister à une coalition gouvernemental, puisqu'il s'apparent en République tchèque à un parti protestataire, qui rassemble des libéraux jusqu'à des socialistes...
Les tchèques sont coutumiers de la situation, puisqu'en 1996 déjà elle s'était présentée, avait donné lieu à un arrangement entre les deux principaux partis que l'on avait alors appelé le "Contrat d'opposition", qui avait surtout eu un effet d"sastreux sur l'opinion publique, qui avait alors l'impression que leurs votes étaient bafoués. C'est d'ailleurs à partir de cette date que la participation a commencé à régresser très significativement, pour atteindre 58% aux dernières élections législatives, ou 26% aux élections européennes de 2004. Elle a atteint ce week-end 68%, ce qui a permis entre autres de faire régresser fortement le Parti Communiste, composé d'un électorat d'électeurs disciplinés et protestaires, qui se déplacent toujours pour voter, et qui avaient porté le Parti non réformé à 18,50% des suffrages en 2002.
Dans cette situation, si les protagonistes ne parviennent pas à former une grande coalition, des élections anticipées semblent être le scénario le plus plausible. En effet, après la campagne plutôt démagogique à laquelle se sont livrés l'ODS et le CSSD on peut douter à une union, même de circonstances.
Cependant on peut tirer quelques grands enseignements de ce vote, qui pourraient nous aider en France. Dans ce pays où la nostalgie du communisme est encore assez présente, on peut observer que l'annonce de Jiri Paroubek, premier ministre et leader du CSSD de faire alliance avec les Communistes n'a pas fait recette. On peut aussi observer que, malgré les bons chiffres économiques, une croissance à 6% et un taux de chômage passé sous la barre de 10% (et ce en partie grâce à l'intégration européenne, qui a permis aux exportations de progresser de 30% en un an, entre 2004 et 2005), le gouvernement sortant a payé au prix fort les accusations de corruption et d'intervention de la justice pour leur propre confort...
Néanmoins, vivant à Prague depuis bientôt 10 mois, je ne peux pas complètement me réjouir de la victoire du Parti démocratique-civique, qui est synonyme d'une victoire de Vaclav Klaus (photo). En effet, le président n'a rien fait, malgré sa neutralité normalement assurée par la constitution, pour cacher son bonheur, et, alors que la majorité de l'électorat de l'ODS semble en faveur d'une plus grande intégration à l'Union européenne, Vaclav Klaus et les leaders du parti libéral sont eux profondément euro-sceptiques. Et l'Europe aujourd'hui n'a pas encore besoin d'un gouvernement hostile, comme il en existe déjà un en Pologne. Par ailleurs, il faut comprendre que dans les pays d'Europe centrale et orientale, la gauche n'a pas le même visage qu'en France, où elle compte déjà facilement bien 20 ans de retard. En République tchèque, le parti social-démocrate comme la droite veulent continuer à privatiser, à simplifier la fiscalité, et à réduire les impôts sur les entreprises, mais de façon différente; les libéraux souhaitant mener les réformes immédiatement, peut-être aux dépens d'une cohésion sociale déjà difficile à trouver. Il faut dire pour être parfaitement objectif que la victoire des sociaux-démocrates n'aurait ici enchanté personne, principalement à cause de leur promesse de gouverner avec le parti le plus conservateur et le plus arriéré d'Europe, le KSCM (parti communiste de bohème et de Moravie).
Gageons que l'exercice du pouvoir, si l'ODS l'obtient, saura rendre les gouvernants raisonnables, et attendons l'hypothétique réforme du scrutin pour les élections législatives, qui pourra rendre la situation plus sereine. Des trois dernières élections législatives, aucune n'a vu une majorité claire se former.
A ceux qui veulent en France un régime parlementaire avec scrutin proportionnel, que les exemples italien, allemand et tchèque servent de leçon pour revoir leur copie!
Pierre Catalan.
A noter ce nouvel article concernant l'ODS, qui bien que libéral n'est franchement pas réellement proche de l'UMP...
http://www.radio.cz/fr/edition/79800
Rédigé par : pierre | 06/06/2006 à 16:45