Bruno Jeudy
le Figaro - [30 juillet 2005]
Nicolas Sarkozy veut garder ses trois casquettes au moins jusqu'à l'automne 2006. Ministre de l'Intérieur et président de l'UMP, le numéro deux du gouvernement entend aussi présider le conseil général des Hauts-de-Seine le plus longtemps possible. Contrairement à ce qu'il a annoncé, il ne démissionnera pas au début du mois d'octobre. Il compte gagner du temps et même obtenir, selon son expression, «une tolérance» de la part du président de la République.
Imposée par Lionel Jospin en 1997, puis confirmée par Jacques Chirac en 2002, la règle qui interdit à un ministre de cumuler sa fonction avec un mandat de maire ou de président d'un conseil général ou régional semble avoir du plomb dans l'aile. Cinq ministres de l'actuel gouvernement – Nicolas Sarkozy, Pascal Clément, François Baroin, Christian Estrosi et Léon Bertrand – n'ont toujours pas répondu à ce jour aux injonctions du président de la République et du premier ministre. Et tout porte à croire qu'ils attendront – au mieux – le cap des cent jours de Dominique de Villepin à Matignon pour se mettre en conformité avec la règle rappelée par le premier ministre peu de temps après la formation de son gouvernement.
Nicolas Sarkozy a déjà prévenu qu'il ne pourrait pas démissionner avant le 25 septembre. Pour élire un nouveau président, l'assemblée départementale doit être en effet au complet. Or, une cantonale partielle doit avoir lieu les 18 et 25 septembre au Plessis-Robinson. Il faudra donc attendre le lendemain de cette élection pour procéder au remplacement éventuel du ministre de l'Intérieur.
Mais le président de l'UMP semble décidé à gagner du temps. Comme il l'avait déjà fait en cumulant, de mars à novembre 2004, Bercy et le conseil général. «Je suis en train d'obtenir du président de la République une tolérance pour rester à la tête du conseil général jusqu'à la présidentielle», a-t-il expliqué début juillet aux élus UMP du département réunis à Nanterre.
Le patron de l'UMP a en tête un autre calendrier, celui de l'élection présidentielle : «Je veux attendre la fin de l'année 2006 pour me défaire de tous mes mandats et me présenter devant les Français», explique-t-il à ses proches. Un scénario qui rappellerait celui de Jacques Chirac en 1995 lorsqu'il avait quitté la présidence du RPR et lâché son fauteuil de maire de Paris.
Dans l'immédiat, le président du conseil général des Hauts-de-Seine cherche surtout à calmer les velléités de ses amis politiques, dont certains lorgnent la place : «Je ne veux pas de remous dans le 92», dit-il. Plusieurs dauphins se sont mis sur les rangs et s'est ouverte en coulisses une compétition qui va bien au-delà d'un éventuel intérim. Chacun a bien compris que celui qui s'installera dans le fauteuil pourrait y rester au-delà de 2007 en cas de succès de Nicolas Sarkozy à la présidentielle.
Premier vice-président et maire de Garches, Jacques Gautier faisait figure jusqu'à l'année dernière de favori. Depuis, son étoile a pâli. Parmi ses vice-présidents, Nicolas Sarkozy semble lui préférer Philippe Juvin, maire de La Garenne-Colombes et jeune professeur de médecine (41 ans). Les ex-pasquaïens Isabelle Balkany et Jean-Jacques Guillet se tiennent également en embuscade. Mais c'est l'ancien ministre et conseiller général d'Antony, Patrick Devedjian, qui apparaît comme le plus légitime, même s'il compte de nombreux adversaires au conseil général. «Si Patrick demande la place, Nicolas ne pourra pas la lui refuser», confie un parlementaire. Interrogé par Le Figaro, Devedjian est formel : «La question ne se posera même pas car Nicolas ne va pas démissionner.»
Président du groupe UMP, Jean-Jacques Guillet partage cet avis. «Vu le contexte, je vois mal Chirac lui dire : tu quittes le conseil général sinon tu démissionnes.» Et le député des Hauts-de-Seine d'ajouter : «Il peut y avoir des exceptions à cette règle qui n'appartient pas au corpus du droit français.» Une règle à laquelle tient pourtant Jacques Chirac, persuadé que l'opinion publique ne supporte plus le cumul des mandats.
Pour moi, c'est clair : même si M. SARKOZY est très énergique et efficace, la nouvelle règle doit être respectée. Sinon, ce serait encore un camouflet à l'opinion publique et il ne faut pas s'étonner que la confiance envers les hommes politiques soit catastrophique.
Rédigé par : Eric | 02/09/2005 à 19:26