Pourquoi Pinault a perdu patience : l'histoire du fiasco de l'île Seguin
Le Figaro – samedi 14 mai 2005
Là-bas, près du Grand Canal, un maire sourit et multiplie les amabilités : «Après la création de la Biennale en 1895, je suis heureux que Venise puisse à nouveau s'ouvrir à l'art de son temps.» Le compliment ne peut que flatter François Pinault qui, accompagné de son conseiller culturel Jean-Jacques Aillagon, poursuivait hier son exploration du Palazzo Grassi et de ses dépendances.
Ici, près d'un bras de la Seine, un maire se renfrogne. Il fait figure de principal accusé depuis que l'homme d'affaires a annoncé, lundi dernier, qu'il quittait l'île Seguin pour présenter ses oeuvres d'art moderne à Venise. L'édile de Boulogne-Billancourt, Jean-Pierre Fourcade, plaide la bonne foi : «François Pinault est pressé... C'est un chef d'entreprise qui ne connaît pas la lourdeur des procédures administratives... Il n'a jamais été question que la fondation ouvre ses portes en 2005... Le projet continue.»
Las ! De tels arguments ne convainquent guère les adversaires politiques du maire. Parmi ces élus, certains ont de la mémoire. Conseil municipal du 17 mai 2001, Jean-Pierre Fourcade : «Pour que la Fondation Pinault puisse s'ouvrir début 2005, ce qui est l'objectif, je n'écarte pas la possibilité de procéder à une modification du POS (plan d'occupation des sols) de 1989 sur la zone concernée par le projet.» Conseil municipal du 12 février 2002, le même Jean-Pierre Fourcade : «Je crois que l'accord (avec François Pinault) est bien bouclé. Que peut-il nous arriver ? Que François Pinault renonce et tout s'effondre.»
Jeudi soir, lors de la dernière réunion du conseil municipal, le socialiste Pierre Gaborit se lève. Cet avocat souhaite donner une leçon de droit au maire : «Monsieur Fourcade, vous portez une lourde responsabilité dans cet échec grave, car vous n'avez jamais assuré la sécurité juridique du projet. On ne signe pas un accord avec une fondation qui n'existe pas.»
De fait, François Pinault n'a jamais créé de fondation. L'ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon avait secrètement imaginé un autre montage juridique, afin que le chef d'entreprise ne s'embarrasse pas de la tutelle de représentants de l'État, et qu'il ne soit également pas obligé, comme dans toute fondation, de rendre inaliénable un tiers de ses oeuvres. François Pinault voulait pouvoir à tout moment disposer de ses biens culturels, les échanger ou les vendre à sa guise. «Moi, s'indigne Jean-Pierre Fourcade, j'étais de bonne foi. J'attendais que la fondation existe pour signer avec elle.» «Résultat, raille l'opposant socialiste, la ville ne peut se retourner contre une fondation qui n'existe pas !»
Jeudi soir, en plein conseil, Pierre Gaborit a été encore plus incisif : «Monsieur Fourcade, vous avez négligé par orgueil un certain nombre d'avis associatifs et de l'opposition. Ne recommencez pas les erreurs du passé, vous savez comment cela se termine.» La pique est particulièrement acérée, M. Fourcade s'étant emparé de la mairie de Boulogne en 1995, suite à la déconfiture immobilière et financière d'une ZAC imprudemment lancée par son prédécesseur.
A lire les procès-verbaux des conseils municipaux de Boulogne-Billancourt depuis six ans, on prend effectivement conscience de la gestion solitaire du maire, qui porte une part de responsabilité dans ce «gâchis».
Tout a véritablement commencé le 18 novembre 1999, jour où Jean-Pierre Fourcade a convoqué une réunion extraordinaire de son conseil, auquel assiste le préfet, le président du conseil régional et celui de Renault. Ce jour-là, son premier adjoint UDF, Pierre-Christophe Baguet, rompt les amarres. Il refuse de voter la révision du POS sans une vision urbanistique complète. «Le projet vit une sorte d'emballement et s'éloigne de ses règles de bases. Et je n'ai aucune raison de vous faire confiance», lance M. Baguet au PDG de Renault, Louis Schweitzer, qui n'a pas caché son objectif – «la valorisation de ses actifs immobiliers».
C'est l'un des noeuds du problème. Pour que les anciens terrains industriels puissent prendre de la valeur, il faut autoriser la construction de bureaux et de logements. Le préfet a donné la clé de répartition des 960 000 m2 constructibles : 480 000 m2 de logements, 240 000 m2 de bureaux, 240 000 m2 pour les activités collectives. Mais encore faut-il réviser le POS. Ce qui sera définitivement fait en avril 2004.
En disant non en 1999 au changement du POS et au projet urbanistique à l'époque concocté, l'opposition municipale aura involontairement favorisé la venue de François Pinault sur Boulogne. C'est en effet à l'été 2000 que l'homme d'affaire et sa fondation arrivent sur l'île Seguin. On dit que Jacques Chirac aurait, à l'occasion de la garden party du 14 juillet, appuyé auprès du maire le projet de son ami milliardaire.
Un an plus tard, selon un chiffrage qui n'a jamais été officialisé, la Régie cède ses terrains pour quelque 500 millions d'euros lors d'une promesse de vente, signée avec le consortium DBS. Mais le projet ne devient vraiment opérationnel qu'en 2003-2004.
François Pinault rachète un bout de l'île pour sa fondation et, pour répondre à son voeu de voir son musée entouré d'un environnement immobilier de qualité, la ville rachète le reste de l'île. Et sans doute afin que DBS, qui a abandonné ses droits sur l'île, s'y retrouve financièrement, 60 000 m2 dévolus initialement pour des activités collectives sur ses autres terrains boulonnais, se transformeront en 60 000 m2 de bureaux supplémentaires...
François Pinault a également son permis de construire. Et son architecte de renom, le Japonais Tadeo Ando. Mais il n'a toujours pas de visibilité sur le reste du projet sur l'île. C'est alors que survient un contentieux avec des associations écologistes, que Jean-Pierre Fourcade tarde à régler. Le recours gracieux de juin 2004, se transforme en recours contentieux en décembre. «Mon cadeau de Noël», grince Jean-Pierre Fourcade, qui a compris bien après les avocats de François Pinault le sérieux de l'affaire.
Les recours sont levés en avril 2005. Tout pouvait enfin commencer. Mais François Pinault a perdu patience. Sans doute influencé par Jean-Jacques Aillagon, son conseiller qui avait travaillé pour le Palazzo Grassi, il regarde déjà vers Venise.
Chère amie,
Pour UN euros symbolique, la ville devient propiétaire des 2/3 des terrains de la "Fondation" soit 3 hectares.
Dans cette affaire les Boulonnais se retrouvent avec 3 hectares gratis...
Des projets pour 1 euros d'investissement vont pleuvoir et pourquoi pas faire un grand parc pour les familles Boulonnaise du Sud de la ville....
Concernant les commerces, la Fondation aurait été bien trop loin du centre ville pour ammener une mane financière. Où aurait on stationné les bus ? sur la Place Marcel Sembat ?
je ne suis pas d'accord avec vous Georges, c'est un drame pour une ville de perdre une telle fondation, cela aurait permis un rayonnement national et européen. Par ailleurs que faire par la suite de ces terrains en friche, rien n'a semble t il été prévu par la mairie !
etes vous à la place des visiteurs pour savoir où ils iront faire leur shopping ??
Cordialement,
C'est une déception pour le Maire mais c'est loin d'être un drame pour Boulogne.
Cette Fondation pour les Boulonnais aurait alimentée les cartes postales mais pas les commerces.
Les cars de touristes n'auraient pas étés faire du shopping dans les rues de Boulogne...mais toujours aux Galeries Lafayette à Paris.
Restons humble, c'est domage mais pas domageable pour les Boulonnais.
Un parc serait peut être le bienvenu dans le sud de Boulogne !!!
a -t- on du nouveau sur les projets du maire (qui n'habite pas la ville) pour l'ile Séguin ?
Rédigé par : emilie | 17/05/2005 à 16:16
Pourquoi Pinault a perdu patience : l'histoire du fiasco de l'île Seguin
Le Figaro – samedi 14 mai 2005
Là-bas, près du Grand Canal, un maire sourit et multiplie les amabilités : «Après la création de la Biennale en 1895, je suis heureux que Venise puisse à nouveau s'ouvrir à l'art de son temps.» Le compliment ne peut que flatter François Pinault qui, accompagné de son conseiller culturel Jean-Jacques Aillagon, poursuivait hier son exploration du Palazzo Grassi et de ses dépendances.
Ici, près d'un bras de la Seine, un maire se renfrogne. Il fait figure de principal accusé depuis que l'homme d'affaires a annoncé, lundi dernier, qu'il quittait l'île Seguin pour présenter ses oeuvres d'art moderne à Venise. L'édile de Boulogne-Billancourt, Jean-Pierre Fourcade, plaide la bonne foi : «François Pinault est pressé... C'est un chef d'entreprise qui ne connaît pas la lourdeur des procédures administratives... Il n'a jamais été question que la fondation ouvre ses portes en 2005... Le projet continue.»
Las ! De tels arguments ne convainquent guère les adversaires politiques du maire. Parmi ces élus, certains ont de la mémoire. Conseil municipal du 17 mai 2001, Jean-Pierre Fourcade : «Pour que la Fondation Pinault puisse s'ouvrir début 2005, ce qui est l'objectif, je n'écarte pas la possibilité de procéder à une modification du POS (plan d'occupation des sols) de 1989 sur la zone concernée par le projet.» Conseil municipal du 12 février 2002, le même Jean-Pierre Fourcade : «Je crois que l'accord (avec François Pinault) est bien bouclé. Que peut-il nous arriver ? Que François Pinault renonce et tout s'effondre.»
Jeudi soir, lors de la dernière réunion du conseil municipal, le socialiste Pierre Gaborit se lève. Cet avocat souhaite donner une leçon de droit au maire : «Monsieur Fourcade, vous portez une lourde responsabilité dans cet échec grave, car vous n'avez jamais assuré la sécurité juridique du projet. On ne signe pas un accord avec une fondation qui n'existe pas.»
De fait, François Pinault n'a jamais créé de fondation. L'ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon avait secrètement imaginé un autre montage juridique, afin que le chef d'entreprise ne s'embarrasse pas de la tutelle de représentants de l'État, et qu'il ne soit également pas obligé, comme dans toute fondation, de rendre inaliénable un tiers de ses oeuvres. François Pinault voulait pouvoir à tout moment disposer de ses biens culturels, les échanger ou les vendre à sa guise. «Moi, s'indigne Jean-Pierre Fourcade, j'étais de bonne foi. J'attendais que la fondation existe pour signer avec elle.» «Résultat, raille l'opposant socialiste, la ville ne peut se retourner contre une fondation qui n'existe pas !»
Jeudi soir, en plein conseil, Pierre Gaborit a été encore plus incisif : «Monsieur Fourcade, vous avez négligé par orgueil un certain nombre d'avis associatifs et de l'opposition. Ne recommencez pas les erreurs du passé, vous savez comment cela se termine.» La pique est particulièrement acérée, M. Fourcade s'étant emparé de la mairie de Boulogne en 1995, suite à la déconfiture immobilière et financière d'une ZAC imprudemment lancée par son prédécesseur.
A lire les procès-verbaux des conseils municipaux de Boulogne-Billancourt depuis six ans, on prend effectivement conscience de la gestion solitaire du maire, qui porte une part de responsabilité dans ce «gâchis».
Tout a véritablement commencé le 18 novembre 1999, jour où Jean-Pierre Fourcade a convoqué une réunion extraordinaire de son conseil, auquel assiste le préfet, le président du conseil régional et celui de Renault. Ce jour-là, son premier adjoint UDF, Pierre-Christophe Baguet, rompt les amarres. Il refuse de voter la révision du POS sans une vision urbanistique complète. «Le projet vit une sorte d'emballement et s'éloigne de ses règles de bases. Et je n'ai aucune raison de vous faire confiance», lance M. Baguet au PDG de Renault, Louis Schweitzer, qui n'a pas caché son objectif – «la valorisation de ses actifs immobiliers».
C'est l'un des noeuds du problème. Pour que les anciens terrains industriels puissent prendre de la valeur, il faut autoriser la construction de bureaux et de logements. Le préfet a donné la clé de répartition des 960 000 m2 constructibles : 480 000 m2 de logements, 240 000 m2 de bureaux, 240 000 m2 pour les activités collectives. Mais encore faut-il réviser le POS. Ce qui sera définitivement fait en avril 2004.
En disant non en 1999 au changement du POS et au projet urbanistique à l'époque concocté, l'opposition municipale aura involontairement favorisé la venue de François Pinault sur Boulogne. C'est en effet à l'été 2000 que l'homme d'affaire et sa fondation arrivent sur l'île Seguin. On dit que Jacques Chirac aurait, à l'occasion de la garden party du 14 juillet, appuyé auprès du maire le projet de son ami milliardaire.
Un an plus tard, selon un chiffrage qui n'a jamais été officialisé, la Régie cède ses terrains pour quelque 500 millions d'euros lors d'une promesse de vente, signée avec le consortium DBS. Mais le projet ne devient vraiment opérationnel qu'en 2003-2004.
François Pinault rachète un bout de l'île pour sa fondation et, pour répondre à son voeu de voir son musée entouré d'un environnement immobilier de qualité, la ville rachète le reste de l'île. Et sans doute afin que DBS, qui a abandonné ses droits sur l'île, s'y retrouve financièrement, 60 000 m2 dévolus initialement pour des activités collectives sur ses autres terrains boulonnais, se transformeront en 60 000 m2 de bureaux supplémentaires...
François Pinault a également son permis de construire. Et son architecte de renom, le Japonais Tadeo Ando. Mais il n'a toujours pas de visibilité sur le reste du projet sur l'île. C'est alors que survient un contentieux avec des associations écologistes, que Jean-Pierre Fourcade tarde à régler. Le recours gracieux de juin 2004, se transforme en recours contentieux en décembre. «Mon cadeau de Noël», grince Jean-Pierre Fourcade, qui a compris bien après les avocats de François Pinault le sérieux de l'affaire.
Les recours sont levés en avril 2005. Tout pouvait enfin commencer. Mais François Pinault a perdu patience. Sans doute influencé par Jean-Jacques Aillagon, son conseiller qui avait travaillé pour le Palazzo Grassi, il regarde déjà vers Venise.
Rédigé par : patrice | 14/05/2005 à 11:01
3 hectares en friche depuis pas mal de temps, aucun projet n'est évoqué en mairie...
Rédigé par : emilie | 13/05/2005 à 15:14
Chère amie,
Pour UN euros symbolique, la ville devient propiétaire des 2/3 des terrains de la "Fondation" soit 3 hectares.
Dans cette affaire les Boulonnais se retrouvent avec 3 hectares gratis...
Des projets pour 1 euros d'investissement vont pleuvoir et pourquoi pas faire un grand parc pour les familles Boulonnaise du Sud de la ville....
Concernant les commerces, la Fondation aurait été bien trop loin du centre ville pour ammener une mane financière. Où aurait on stationné les bus ? sur la Place Marcel Sembat ?
Rédigé par : georges | 13/05/2005 à 00:19
je ne suis pas d'accord avec vous Georges, c'est un drame pour une ville de perdre une telle fondation, cela aurait permis un rayonnement national et européen. Par ailleurs que faire par la suite de ces terrains en friche, rien n'a semble t il été prévu par la mairie !
etes vous à la place des visiteurs pour savoir où ils iront faire leur shopping ??
Cordialement,
Rédigé par : emilie | 12/05/2005 à 11:47
C'est une déception pour le Maire mais c'est loin d'être un drame pour Boulogne.
Cette Fondation pour les Boulonnais aurait alimentée les cartes postales mais pas les commerces.
Les cars de touristes n'auraient pas étés faire du shopping dans les rues de Boulogne...mais toujours aux Galeries Lafayette à Paris.
Restons humble, c'est domage mais pas domageable pour les Boulonnais.
Un parc serait peut être le bienvenu dans le sud de Boulogne !!!
Rédigé par : georges | 11/05/2005 à 19:06